Dossier ATRd _ Partie 4
Dr Aude Servais, Service de néphrologie adulte, Hôpital Necker Enfants malades, Centre de référence pour les maladies rénales héréditaires de l’enfant et de l’adulte (MARHEA), APHP, Paris, France.
Le passage de l’adolescence à l’âge adulte pour les patients ayant une acidose tubulaire rénale distale (ATRd) est une étape complexe, à risque de non-adhésion au traitement et de complications de la maladie.
L’adolescence
L’adolescence est une période particulière, pleine de bouleversements physiques, psychologiques et sociaux. Elle peut s’associer à une crise d’indépendance, des comportements rebelles et à risque. Chez les patients atteints d’une maladie chronique, il existe un conflit entre cette maladie et cette période d’adolescence. Le patient réalise que cette maladie le concerne vraiment, qu’il doit apprendre à mieux la comprendre et s’impliquer dans sa prise en charge. Ce cheminement concerne non seulement le jeune patient, mais aussi ses parents et les soignants qui l’entourent.
La transition
La transition est un processus long qui concerne l’ensemble des besoins médicaux, psychosociaux, éducatifs et professionnels des adolescents atteints d’une maladie chronique telle l’acidose tubulaire rénale distale (ATRd), lors de leur passage des soins pédiatriques aux soins adultes.
Ce processus de transition débouche sur le transfert, moment ponctuel où le jeune adulte est accueilli dans une unité adulte.
Le processus de transition débute en général vers 12-14 ans et est individualisé en fonction de la croissance, de la scolarité, de la situation psychologique et des conditions socio-économiques. Elle fait appel à des médecins référents et à une équipe de personnel médical et paramédical. Le transfert définitif est en général réalisé entre 18 et 20 ans. On choisit une période propice de la vie, où la maladie, la situation scolaire ou professionnelle, et la situation familiale sont stables.
La place des parents pendant cette période est particulière. Ils éprouvent des difficultés à abandonner le contrôle des soins et à ne plus être considérés comme l’interlocuteur principal.
Parfois, ils sous estiment la capacité de leur enfant à être autonome. Cependant, leur soutien et leur participation sont très importants. Leur rôle va évoluer pendant la phase de transition. Il est important d’inclure les parents ou d’autres membres de la famille dans le processus, si possible. Le praticien favorise l’autonomie du patient, dès l’entrée dans l’adolescence, en le recevant seul pour une partie de la consultation et en respectant la confidentialité. La place des parents va progressivement être modifiée : ils restent toujours des interlocuteurs à part entière, mais en seconde position.
Le transfert
Le transfert se fait idéalement en présence d’un néphrologue pédiatre et d’un néphrologue pour adultes au cours d’une consultation dédiée où le dossier du patient est discuté et expliqué. Il s’agit du moment où le patient peut être amené à formuler ce qu’il a compris de sa maladie, de ses complications et de son traitement. Le risque de néphrocalcinose et de survenue de lithiases est souligné.
L’arrivée du patient ayant une acidose tubulaire distale dans le secteur adulte est associée à un certain nombre de changements. La file active de patient étant importante, il peut se sentir un peu isolé, anonyme avec un moindre rythme des consultations et un suivi qui repose davantage sur lui pour la réalisation des bilans biologiques, la prise des rendez-vous, les modalités de transport.
Alors qu’en pédiatrie, il existe souvent toute une équipe dédiée comprenant médecin, infirmière référente, professeur des écoles, assistante sociale, psychologue, pédopsychiatre, les services adultes comprennent souvent moins de professionnels impliqués pour la prise en charge globale du patient. Cette étape nécessite donc une bonne communication entre les services pédiatriques et adultes.
Défis pour le néphrologue adulte
Il existe de nombreux défis pour le néphrologue adulte qui reçoit le patient. La plupart des patients ont été diagnostiqués dans les premières années de vie, ce qui crée des liens forts avec l’équipe de pédiatrie. Il peut exister une défiance vis-à-vis du « nouveau » néphrologue, surtout pour une maladie rare et méconnue telle que l’acidose tubulaire distale.
Cette période s’accompagne surtout d’un énorme défi d’adhésion au traitement. La maladie est le plus souvent peu symptomatique et le patient peut être tenté d’interrompre son traitement. La surveillance régulière des paramètres biologiques va permettre de discuter de l’adhésion au traitement et, si nécessaire, d’en ajuster les doses. Le néphrologue adulte surveillera donc les taux plasmatiques de bicarbonates, de chlore, de potassium, ainsi que la calciurie.
Cette période est donc une période à risque de survenue de complications. Il est important qu’initialement le jeune patient bénéficie d’un suivi rapproché et personnalisé dans le secteur adulte.
Les patients présentant une surdité de perception doivent faire l’objet d’une prise en charge spécialisée spécifique.
Chez les jeunes femmes, la question de la fertilité et de futures grossesses est abordée. La fertilité n’est pas affectée par la maladie si la fonction rénale est conservée. La poursuite des supplémentations en potassium et en bicarbonates est bien sûr indispensable au cours d’une éventuelle grossesse, adaptée si nécessaire au ionogramme sanguin. L’innocuité des éventuels autres médicaments doit également être évaluée.
Traitement à l’âge adulte
Le traitement repose sur la poursuite de la supplémentation alcaline qui existe sous diverses formes (bicarbonate ou citrate de potassium, de sodium ou de magnésium), liquides ou solides, de courte ou de longue durée d’action. Chez l’adulte, les formes solides ou sous formes de granulés sont souvent privilégiées. Réduire le nombre de prises avec des formes à libération prolongée pourrait permettre d’améliorer l’adhérence au traitement et de s’adapter davantage à la vie étudiante ou professionnelle.
Une supplémentation potassique est également recommandée chez les patients présentant une hypokaliémie persistante malgré un bon contrôle de l’acidose et une fonction rénale préservée. L’utilisation de citrate ou de bicarbonate de potassium a l’avantage d’alcaliniser et de supplémenter en potassium simultanément.
Une consultation diététique réalisée par une diététicienne spécialisée peut être utile à cet âge où le jeune patient va être amené à gérer lui-même son alimentation afin de réduire la charge acide du régime alimentaire (protéines animales) et de maintenir une hydratation adéquate.
Conclusion
La transition de l’adolescence à l’âge adulte d’un patient ayant une ATRd est un processus individualisé qui doit permettre au jeune patient d’acquérir les compétences et les capacités d’autogestion nécessaires pour être suivi dans une unité pour adultes. C’est une période à risque de non-adhésion et de complication de la maladie. Son succès repose sur une bonne communication entre les services pédiatriques et adultes. Dans le secteur adulte, il convient de mettre en place un suivi rapproché et personnalisé.
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