La nutrition de la néphro-protection

En 2021, le Réseau Épidémiologique et Information en Néphrologie répertoriait plus de 90 000 insuffisants rénaux chroniques au stade 5. Les recommandations préventives préconisent dès le début de l’atteinte rénale, un traitement qui a pour objectif principal de conserver le maximum d’autonomie rénale, le plus longtemps possible.

La nutrition fait partie intégrante du traitement en agissant sur les facteurs essentiels à la néphro-protection : pression artérielle, protéinurie, acidité métabolique, équilibre glycémique, cholestérol, poids et maintien ou amélioration de l’état nutritionnel.

Le guide de pratique clinique KDOQI 2020 a établi un lien fort entre la nutrition et l’Insuffisance Rénale Chronique (IRC), en identifiant plusieurs axes d’intervention :

Agir contre l’hypertension :

  • en limitant les excès de sel.

Pour optimiser l’apport à environ 6 g par jour, il est nécessaire de repérer la présence de sel dans les produits industriels, les sauces, les vinaigrettes du commerce, les produits ultra-transformés, les charcuteries, les pains et les fromages. La cuisine faite maison doit être privilégiée avec ajout d’aromates, d’herbes et d’épices tout en conservant un maximum de goûts, de couleurs et de parfums. L’ajustement des apports en sel a, également, un effet positif sur la réduction de la protéinurie.

Agir en luttant contre le manque de potassium et de calcium. Réintroduire des légumes aux repas et des céréales complètes pour les patients en déficit, et ajuster les apports en réévaluant la consommation des produits laitiers et des eaux plus riches en calcium, si besoin.

Enfin, agir en optimisant le poids et en augmentant l’activité physique quotidienne.  

Lutter contre l’acidose métabolique :

  • en évitant les excès de protéines apportés par les aliments acidifiants (indice PRAL positif) (annexe 1) et en ajustant les apports au besoin défini en fonction du stade d IRC et du poids du patient.

Stades 1, 2 et 3A : 0,8 g de protéines/kg de poids idéal ou ajusté/j

Stades 3B, 4 et 5 : 0,6 g de protéines/kg de poids idéal ou ajusté/j

Ces objectifs doivent être atteints progressivement en tenant compte des habitudes du patient, et seulement si les apports énergétiques sont assurés afin d’éviter toute dénutrition.

  • en compensant le manque d’aliments d’origine végétale alcalinisants (indice PRAL négatif) (annexe1) comme les légumes (au moins 3 parts/jour), les fruits (2/jour) et certains féculents (pommes de terre, patate douce, haricots blancs) et les eaux bicarbonatées non salées (Vittel®, Salvetat®, Vernières®, Badoit®…).

=> Le contrôle de l’apport en protéines agit également favorablement sur la réduction de la protéinurie.

Certains patients bénéficient de supplémentation médicamenteuse en céto-analogues et acides aminés essentiels afin de conserver ou d’améliorer leur état nutritionnel malgré une alimentation hypoprotidique, inférieure ou égale à 0,6 g/kg/j. Afin de préserver un bon apport énergétique lors d’une alimentation hypoprotidique, des aliments pauvres en protéines comme les produits végétaux à base de lait de coco ou d’amandes sont en vente dans les moyennes et grandes surfaces. Des pains, pâtes et biscuits très restreints en protéines sont vendus en pharmacie ou sur Internet (ex : Flavis®, Aproten®, Taranis® et Loprofin® (quantité de protéines < à 1 g/100 g).

 Les compléments hyperprotidiques en liquide ou en crème peuvent être prescrits, si absolument nécessaires, par le néphrologue avec la recommandation du diététicien, mais ne doivent pas être pris librement.

Optimiser les constantes sanguines glucidiques et lipidiques ainsi que le poids :

  • en équilibrant les apports glucidiques, lipidiques et énergétiques ainsi qu’en luttant contre la sédentarité et en augmentant l’activité physique.

Les adaptations nutritionnelles doivent tenir compte des habitudes du patient ; connaître la façon de se nourrir de celui-ci pour adapter et optimiser la quantité des aliments.

Le patient doit acquérir au cours du temps des connaissances et compétences concernant l’adaptation qualitative et quantitative de ses apports nutritifs. L’objectif est de conserver une variété alimentaire et une convivialité au cours des repas pris sur le lieu de travail, au restaurant, en famille ou à l’étranger, en utilisant les équivalences alimentaires en sel et en protéines (annexe 2).

Le patient doit être aidé et accompagné par des diététiciens experts en néphrologie en lui proposant des consultations individuelles, des ateliers collectifs, et idéalement des ateliers de pratique culinaire avec dégustation et échanges de recettes.

Marie Paule Dousseaux

Diététicienne Nutritionniste, Paris

Rédigé le 8/02/2024


Annexe 1 : les aliments acidifiants et alcalinisants
Annexe 2 : Equivalences en sel et en protéines

Références :

  1. Rapport REIN 2021 https://www.agence-biomedecine.fr/IMG/pdf/rapport_rein_2021_2023-06-26.pdf
  2. KDOQI Clinical Practice Guideline for Nutrition in CKD : 2020 up date
  3. Table de composition nutritionnelle des aliments (Ciqual), Anses 2020

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