Hémopathies et atteintes rénales
Chez les patients atteints d’hémopathies malignes, les atteintes rénales sont fréquentes et les étiologies diverses.
En 2018, une étude canadienne a rapporté que parmi tous les types de cancer, le myélome multiple (MM) et la leucémie représentaient le premier et troisième cancer le plus fréquemment associé au développement de l’insuffisance rénale aiguë (IRA), et étaient respectivement le premier et deuxième cancer le plus fréquent chez les patients atteints d’IRA nécessitant une dialyse [1].
Selon le US Renal Data System, environ 1,2 % des patients atteints d’insuffisance rénale terminale (DFG < 15 ml/min/1,73 m2) sont également atteints d’un MM. Une insuffisance rénale, définie par une élévation de la créatinine sérique ≥ 1,3 mg/dl, survient chez 48 % des patients chez qui un MM vient d’être diagnostiqué. Environ 19 % des patients ont un DFG < 30 ml/min/1,73 m2 au moment du diagnostic, et 8 % ont besoin d’une thérapie de remplacement rénal [2].
Les atteintes rénales peuvent se présenter sous forme d’IRA ou de syndrome néphrotique, et dépendent du type d’hémopathie et du mécanisme physiopathologique mis en jeu (Tableau 1). Tous les secteurs du parenchyme rénal (tubes, interstitium, glomérules, vaisseaux) peuvent être affectés [1,3].
- Chez les patients atteints d’hémopathies, l’insuffisance rénale peut être associée aux mécanismes pathologiques sous-jacents du cancer. Par exemple, dans le cas d’une infiltration de lymphome ou d’une hématopoïèse extra-médullaire, elle peut être causée par un produit tumoral ; dans le cas du rein myélomateux (cast nephropathy), elle peut être due à la présence d’une immunoglobuline monoclonale ; ou peut résulter de complications tumorales, telles que l’hypercalcémie.
- L’insuffisance rénale peut également être due à la toxicité induite par le traitement anticancéreux. Par exemple, la néphrotoxicité due au cisplatine ou au syndrome de lyse tumorale. Les nouvelles immunothérapies, telles que les inhibiteurs de points de contrôle immunitaire et la thérapie par cellules T à récepteur d’antigène chimérique, peuvent également être néphrotoxiques.
Quelle que soit l’étiologie, les atteintes rénales compliquent la prise en charge des patients et augmentent considérablement la morbidité et la mortalité [4]. En effet, la médiane de survie passe de 3 ans à 2 ans chez les patients insuffisants rénaux atteints de MM. Les patients ayant développé une IRA avaient une mortalité accrue atteignant 30 % dans les deux ans suivant la survenue de l’IRA [5]. Chez ceux qui subissent une greffe de cellules-souches hématopoïétiques, la mortalité peut atteindre 80 à 90 % chez les patients qui ont recours à la dialyse [1].
Une meilleure connaissance de la façon dont le rein peut être directement endommagé par le cancer et les complications paranéoplasiques ainsi que la néphrotoxicité des anticancéreux est essentielle pour assurer une prise en charge optimale des patients d’hémopathie malignes.
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Tableau 1 : Atteintes rénales associées aux hémopathies [3]
- Frank Bridoux, Paul Cockwell, Ilya Glezerman, Victoria Gutgarts, Jonathan J Hogan, Kenar D Jhaveri, Florent Joly, Samih H Nasr, Deirdre Sawinski, Nelson Leung Nat Rev Nephro. 2021 Jun;17(6):386-401. Kidney injury and disease in patients with haematological malignancies.
- Christophe Sirac, Vecihi Batuman, Paul W Sanders Kidney Int Rep. 2021 Mar 3;6(5):1225-1231. The Proximal Tubule Toxicity of Immunoglobulin Light Chains.
- N. Jourde-Chiche, B. Dussol, L. Daniel La Revue de Médecine Interne Volume 31, Issue 10, October 2010, Pages 685-696. Les atteintes rénales au cours des hémopathies malignes. Stratégie diagnostique.
- Xuduan Chen, Xiaofeng Luo, Yanping Zu, Hajji Ally Issa, Linlin Li, Hong Ye, Ting Yang, Jianda Hu, Lixin Wei J Clin Lab Anal. 2020 Sep;34(9):e23416. Severe renal impairment as an adverse prognostic factor for survival in newly diagnosed multiple myeloma patients.
- Dimopoulos MA, Kastritis E, Rosinol L, Bladé J, Ludwig H. Leukemia 2008; 22(8): 1485-93. Pathogenesis and treatment of renal failure in multiple myeloma.
Rédigé le 15/01/24 par Aicha Mbarek
Docteur en Pharmacie, Equipe GPR